«Autant que le permettent les lois de la création littéraire, les Petits Poèmes en prose marquent un commencement absolu. Ils soutiennent tout un système généalogique dont on dessine les branches maîtresses quand on cite le premier livre des Divagations, les Illuminations et les Moralités légendaires : le foisonnement ultérieur est infini. Il semble que Baudelaire ait eu lui-même conscience d'avoir ouvert par cette extrême expérience une route que l'on dût, après lui, nécessairement emprunter. Du moins, entendait-il qu'on lui rapportât le mérite de l'avoir frayée. Il mandait à Arsène Houssaye, dans un billet de 1861 : Je me pique qu'il y a là quelque chose de nouveau, comme sensation ou comme expression - et dans sa dédicace au même, il se défendait, tout en jouant le dépit, d'avoir simplement imité la technique d'Aloysius Bertrand. Enfin, dans sa Correspondance, il mettait l'accent sur le caractère de singularité radicale, pour ne pas dire : répulsive, des bagatelles laborieuses, dont il sentait qu'en matière de poésie elles constitueraient son dernier mot.» Georges Blin.
Poète amoureux de l'âme parisienne, éternel flâneur qui sait trouver des trésors au coin de la rue la plus anonyme, Fargue raconte sa ville dans ce livre célèbre, qui aujourd'hui nous restitue le parfum du Paris de l'entre-deux-guerres. Le quartier de prédilection de Fargue, peu exploré par d'autres écrivains, c'est le boulevard Magenta, Belleville, le boulevard de la Chapelle, la gare de l'Est et la gare du Nord, «vastes music-halls où l'on est à la fois acteur et spectateur». Le titre de ce livre est devenu le nom que l'on donne à Fargue. C'est lui qui est à jamais «le piéton de Paris».
« L'oeuvre de Cabral est l'une des plus influentes dans la poésie moderne brésilienne. Il a profondément marqué, par son originalité, par la rigueur poétique et éthique de ses vers, les poètes brésiliens de la seconde moitié du XXe siècle. Écrivain populaire (ses vers ont été mis en musique par Chico Buarque, et Caetano Veloso se réclame volontiers de lui), il est aussi reconnu comme un immense poète par ses pairs et la critique. Nous espérons, avec ce recueil, faire découvrir aux lecteurs de langue française une oeuvre d'une grande originalité, qui émeut profondément par le regard nouveau qu'elle porte sur le monde. » Mathieu Dosse
«Le Baphomet, transformant en mythe la légende des Templiers, traduit, avec une somptuosité baroque, cette expérience de l'éternel retour - assimilée ici aux cycles de la métempsycose et rendue par là plus comique que tragique (à la manière de certains contes orientaux). Tout se passe dans un au-delà tourbillonnaire - royaume des esprits -, où il est naturel que, sous une lumière d'invisibilité, toutes les vérités perdent leur éclat, où Dieu n'est plus qu'une sphère lointaine et fort diminuée, où la mort surtout a perdu sa toute-puissance et jusqu'à son pouvoir de décision : ni immortels ni mortels, livrés au perpétuel changement qui les répète, absents d'eux-mêmes dans le mouvement d'intensité qui est leur seule substance et fait de leur être identique un jeu, une ressemblance sans rien à quoi ressembler, une inimitable imitation, tels sont les souffles, paroles d'esprit ou paroles d'écrivain, comme sont telles les figures et les oeuvres formées par ces paroles.» Maurice Blanchot. «Quelque chose comme la théorie des souffles chez Klossowski tient, par je ne sais combien de fils, à toute la philosophie occidentale. Et puis, par la mise en scène, la formulation, la manière dont ça fonctionne dans Le Baphomet, elle en sort tout à fait.» Michel Foucault.
Dans La victime, Saul Bellow raconte l'histoire d'un petit employé juif, Leventhal, qui travaille dans un magazine à New York. Sa femme, Mary, est partie voir sa mère dans le Sud, et il se trouve seul dans la grande ville écrasée de chaleur. Son neveu tombe gravement malade, et sa belle-soeur, en l'absence de son mari, fait appel à lui. Aux soucis familiaux s'ajoutent des préoccupations plus graves. Un certain Albee, qui l'avait présenté à son patron, le rend responsable de la perte de sa situation. Il poursuit Leventhal de sa rancoeur et s'estime lésé : la victime c'est lui. Mais la véritable victime, en fait, c'est peut-être Leventhal, l'homme moderne dépassé par les difficultés de la vie citadine, pourvu d'une famille abusive, en butte aux préjugés raciaux et désespérément seul en face de son destin absurde. Cette solitude n'est même pas compensée par la liberté, puisqu'il dépend de tous : de la société, de ses employeurs, de sa famille et des ennemis qu'il s'est involontairement créés. La victime a paru en 1947 aux États-Unis.