À l'occasion de l'inauguration de la Bourse de Commerce, les Éditions Dilecta s'associent à la Pinault Collection pour la saison d'ouverture de ce nouvel espace majeur dédié à l'art contemporain en plein coeur de Paris, avec la publication de ce catalogue de la première exposition collective.
L'exposition « DEBOUT ! » est une proposition de la Collection Pinault qui se déploie en deux lieux réunis en un seul parcours. Au couvent des Jacobins, les oeuvres témoignent de la perception qu'ont les artistes des violences de l'histoire humaine et de la difficulté du destin individuel.
L'être humain est marqué par cette histoire, ces histoires, et l'art nous permet de ressentir, de percevoir, mais aussi d'élaborer nos réactions et de s'en distancier. Chacune des oeuvres illustre soit un état de guerre, de destruction, de violence, soit des figures qui sont comme traversées par ces histoires. Mais en les contemplant, on comprend qu'il est toujours possible de se dresser et d'agir, de garder le sens de l'humour, d'être debout. D'où le titre de l'exposition qui exprime cette qualité humaine de pouvoir résister à (presque) tout.
Le parcours évoque l'immigration, les conditions de travail, la colonisation. Les oeuvres évoquent les transformations imposées par le xxe siècle. Qu'en avons-nous retenu ? Avons-nous réussi à changer quelque chose ? En contrepoint du parcours présenté au couvent des Jacobins, Tatiana Trouvé propose au musée des Beaux-Arts une installation particulière autour de ses dessins de la série « Les Dessouvenus ». Cette expression bretonne désigne les personnes qui ont perdu la mémoire. L'infirmité individuelle est ici évoquée, et nous entrons dans une forêt aux multiples signes. Pour cette artiste, dessiner s'apparente à un retour sur les lieux de la pensée mais aussi à une projection de la pensée.
Consacrée par la rétrospective « Sculpture Undone : 1955- 1972» au MoMA (New-York) en 2012, Alina Szapocznikow est aujourd'hui exposée par une grande institution française.
Artiste pionnière dans l'utilisation de matériaux tels que la mousse polyuréthane et la résine polyester, Alina Szapocznikow est célèbre en Pologne, son pays d'origine, mais demeure peu connue en France, où elle s'installe définitivement en 1967. Le Cabinet d'art graphique du Centre Pompidou lui rend hommage à travers l'exposition de 91 dessins et de 6 sculptures, issus entre autres des collections du Centre Pompidou (Paris), du MoMA (New York) et de collections privées.
Dessins au feutre, au stylo à bille, aux crayons de couleur, à l'encre, aquarelles et monotypes révèlent l'imaginaire d'Alina Szapocnikow, sa réflexion sur le corps humain et son univers mêlant aussi bien l'humour, la sexualité que le malaise. Ces dessins montrent l'oeuvre d'une artiste à la fois héritière d'Auguste Rodin, du surréalisme et annonciatrice du pop art.
Bien que guidée conceptuellement par des protocoles expérimentaux qu'elle met en oeuvre avec grande précision, la démarche artistique d :Edith Dekyndt débouche sur l'observation troublante de phénomènes physiques en train de se produire devant nos yeux, voire pour certains, dans nos yeux.
A l'instar de la science-fiction qui produit du surnaturel à partir du rationnel, le" fabuleux ou l'étrange ne provient plus d'un esprit superstitieux, comme à l'époque des contes merveilleux ou fantastiques, mais de la vision lucide d'un monde dont la réalité percée à jour par les sciences dépasse désormais la fiction. Des forces universelles comme la gravité ou le magnétisme et des intensités aussi vitales que la chaleur ou la lumière sont rendues à leurs dimensions extraordinaires d'existences cosmiques, là où l'investigation scientifique poussée à l'extrême devient .soudainement voyage métaphysique C'est que mesurer l'univers revient enfin de compte à se mesurer à lui, ses limites étant d'abord celles de notre perception et de notre conscience.
Malgré les inévitables références à l'ère technologique et les recours fréquents aux appareils enregistreurs photo, vidéo, magnéto), l'oeuvre volontairement low-tech d'Edith Dekyndt demeure ainsi humaniste, au sens où son enjeu est moins l'invention utopiste d'un autre inonde que l'inventaire concret des merveilles d'ici-bas. Confirmant le filait que les matériaux artistiques ne sont pas des idées mais des sensations.
Edith Dekyndt parvient à penser notre environnement de terrien en se détournant du ciel suprasensible de la philosophie ou de l'idéologie, au profit du monde, même infra-sensible ou souterrain, des choses qui sont cachées mais demeurent paradoxalement visibles. C'est qu'il nous arrive encore, malgré notre arsenal technologique, de regarder sans voir; ou à cause de celui-ci, de ressembler à cet idiot du conte chinois qui regarde le doigt en train de lui désigner la lune.