Par-delà les sciences de la nature, nous avons besoin d'une science naturelle : le testament philosophique d'un des plus grands naturalistes du 20e siècle
Le destin de Cornelia Hesse-Honegger : une artiste témoignant des blessures invisibles des insectes irradiés « Je regarde cette photo de Cornelia Hesse-Honegger dans son appartement de Zurich et j'essaie d'imaginer ce qu'elle voit au microscope. Sous la lentille, se trouve un tout petit insecte vert et doré, une de ces punaises des plantes du sous-ordre hétéroptère qu'elle peint depuis plus de trente ans. Le microscope binoculaire les grossit quatre-vingts fois. L'échelle millimétrée qui se trouve sur l'oculaire gauche lui permet de reproduire le moindre détail du corps observé avec une précision minutieuse.
Cornelia a ramassé ce spécimen non loin de la centrale nucléaire de Gundremmingen, dans le sud de l'Allemagne.
Comme la plupart des insectes qu'elle peint, il est déformé.
Ici, c'est l'abdomen dont la forme est irrégulière, légèrement plissé sur son flanc droit. Même pour moi, cette difformité apparaît nettement au microscope. Mais imagine un instant, me dit-elle, l'effet que doit faire une telle altération quand on ne fait qu'un demi-centimètre de long ! »
Qui connaît Tadao Ando ? Sait-on qu'il a commencé à construire à l'âge de quatorze ans ? Pour agrandir un peu la maison de sa grand-mère, une petite commerçante du centre ville d'Osaka. Qu'il a fait le voyage jusqu'en France au début des années soixante, d'abord par bateau puis par le transsibérien pour rendre visite à Le Corbusier, sur lequel il avait trouvé chez les bouquinistes un livre qui le fascinait. Quand il arrive, Le Corbusier vient de mourir. Il visite ses constructions, Ando est fasciné. Le béton et tout ce qui en découle ne le quitteront plus.
Quelle que soit la période du béton - au sens physique du terme - il est devenu un élément de construction incontournable. Il est laid, le plus souvent, et il vieillit mal, le plus souvent. Mais les bâtiments d'Ando sont vraiment radieux. Inondés par la lumière, ils créent des sensations nouvelles d'espaces, comme toute architecture novatrice. Et leur béton a quelque chose de particulier.
La tension est montée avec l'incident « Scott-Ashlock ». John Scott était un ouvrier noir de petite taille. Son chef d'équipe, Irwin Ashlock, un grand gars baraqué du Mississippi. Au cours d'une dispute, Ashlock a ramassé un engrenage à pignons et a menacé Scott de lui faire sauter la cervelle avec. Scott s'est plaint au délégué, et le syndicat a fait remonter l'information à la direction, qui a déclaré qu'Ashlock avait le droit de se défendre, et que, plutôt que de le sanctionner, elle allait virer Scott. Ça a déclenché une grève sauvage et la fermeture de l'usine pendant toute une semaine. C'était une sacrée réussite, cette grève. On retrouvait l'unité d'autrefois - jeunes et vieux, noirs et blancs, hommes et femmes. Tout le monde était impliqué. Comme l'entreprise avait besoin de nos boîtes de vitesses, elle a cédé.
Classique de l'histoire sociale et politique américaine, Detroit : pas d'accord pour crever revient sur les luttes que mena dans les années 1970, au sein des usines automobiles de « Murder City », la Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires.
Accordant une place de premier plan aux témoignages des acteurs de ce mouvement, il met crûment en lumière la réalité des conditions de travail à la chaîne, la corruption des appareils syndicaux, le racisme quotidien de la société américaine, mais aussi le développement à la base de luttes pour la justice sociale.
Si Detroit incarne aujourd'hui la faillite absolue du capitalisme industriel et l'abandon de toute une population par les élites politiques et économiques, les auteurs de ce livres invitent à considérer son histoire comme un modèle réduit de ce qui menace l'ensemble de la société américaine, voire des pays industrialisés - mais aussi un lieu où pourrait s'expérimenter une société plus juste et solidaire.
Spécialiste des politiques urbaines, Marvin Surkin a fait partie de la Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires. Dan Georgakas est écrivain, historien et militant, spécialiste de l'histoire orale et du mouvement ouvrier américains.